dimanche 29 décembre 2019

L’OTAN, la Paix, la non belligérance, la gouvernance partagée.

L’OTAN, la Paix, la non belligérance, la gouvernance partagée.
Par Noura Mebtouche.


Sur fond de relativisme culturel, on reproche aujourd’hui à l’OTAN, en France d'être en état de "mort cérébrale"…C’est négliger deux faits d’importance qui en suscitent un troisième :

1. Pour nous les français, l’OTAN a toujours, surtout depuis le débarquement représenté « le sauveur » cet être envoyé de Dieu, figure d’un messie, qui sauverait nos âmes et nos corps de la fournaise créée par un Dieu courroucé qui nous punirait de ne pas l’avoir écouté (c’est écrit dans la Bible)
.Pour les Etats-Unis, l’OTAN n’est rien d’autre qu’un compagnon loyal de combat qui nous aide à faire dégager l’ennemi de la surface de la planète pour avoir la Paix et la tranquillité… Sorte de héros ou héroïne Marvellien, qui se veut maître de la gouvernance mondiale pour la bonne cause…
Et cet ordre des choses devrait disparaitre au profit d’une force européenne ?
On se doit ici de répondre rapidement non. Mais rapidement tant on été rapides par le passé au cours du XXème siècle les réponses simultanées au combats de par le monde, induisant l’interventionnisme inter-étatique sous couvert de l’OTAN. Ces dernières n’étaient certes, pas toujours opportunes…

- Parce que l’OTAN, si il a ses défauts, répond néanmoins à un besoin de la communauté internationale qui est de se défendre en cas de danger au delà de simples considérations européo-européennes, nous avons besoin d’un sauveur venu, à défaut d’une autre planète, d’Outre-Atlantique. Il ne faut pas oublier non plus que nous avons des Valeurs communes que nous pouvons défendre à travers cette institution.

- Parce que seuls en Europe nous n’arriverions pas à assurer la paix et la sécurité car il nous manquerait un pan important de territoire géographique dont on peut se revendiquer. Or, l’Atlantique est plus proche que nous du Pacifique dont nous ne connaissons rien hormis les quelques rapports annuels venus des territoires d’outre mer concernés. Les Etats-Unis eux, savent et connaissent et ont une longue expérience de visualisation des problématiques et de connaissance du terrain et des personnes. Pour recouvrir un champ suffisamment large permettant de ne pas se faire absorber au sein du grand jeu des puissances internationales et être présents au sein du jeu multidimensionnel actuel, nous devons rester alliés à l’Atlantique et davantage soigner notre Pacifique français qui nous rapproche d’ailleurs des premiers.



2. Pour une raison très simple liée aux moyens, si on veut par ailleurs pratiquer une forme de dissuasion nucléaire vis à vis du reste du monde nous devons nous européens et plus spécialement français qui devons à l’arme nucléaire notre présence depuis 1945 sur le champ international, notamment au G5 (faisons en sorte de ne pas nous la faire piquer par l’Allemagne, c’est ce que semble prévoir le Traité d’Aix la Chapelle, si, si…),nous allier à tout prix à la première force dissuasive hors Russie, soit les Etats-Unis, afin de susciter une coalition coopérative et fraternelle censée dissuader à long terme le reste du monde de se servir ou de se pourvoir de l’arme nucléaire afin de pratiquer lentement la « fonte nucléaire », c’est à dire le démantèlement final. 
Nous invitons le lecteur ici à se fier à notre article « la question iranienne à l'aune de la théorie du démantèlement final », du 16/07/19, celui-là dit tout sur la tournure actuelle que prend les choses sur le plan international. Toute la théorie du démantèlement final, celle d’une nécessaire survie de l’OTAN mais avec une gouvernance davantage partagée entre Europe et Etats-Unis, mais aussi la place que doit y tenir le Moyen-Orient y figure.
Cette gouvernance partagée, les Etats-Unis sont en train de nous la donner en ce moment en s’effaçant quelque peu, à moins qu’ils ne cherchent à essayer pendant un temps, tout en faisant des économies, de nous montrer qu’on ne peut pas se passer d’eux pour revenir en force plus tard. 
Ce papier du 16/07 fait référence à d’autres articles précédemment écrits : « Dissuasions » le 10/12/18, « La France et l’OTAN » le 8/09/2013, « Construire notre coopération-mutualisation à la face du monde : en urgence. » 08/09/2013,  « Défense. Qu'est ce que la coopération-mutualisation ? » (29 avril 2013). 
J’ai également assisté au colloque « DISSUASIONS » de décembre 2019 qui s’est tenu à l’Ecole des Armées à Paris. Il va de soi que nous avons besoin des Etats-Unis dans ce cadre ces derniers furent longtemps nos alliés et n’oublions pas, ce furent les alliés de 1945 sans qui (avec les africains ) nous serions aujourd’hui allemands et tortionnaires, les victimes étant déjà mortes dans les camps.

Donc, nous ne pouvons pas construire en Europe une politique de défense sans les Etats-Unis, tout comme les Etats-Unis ne sauraient faire régner leur doxa, celle d’une mission fixée dès la création du pays (celle d’un monde de Paix et de tolérance) sans nous, du moins pour un temps, avant que l’idée de paix ne se soit étendue.


Nous en arrivons à la troisième assertion : celle qui découle des deux premières, annoncées au début de notre réflexion :

Ces derniers temps, les Etats-Unis ont montré un relatif désintérêt pour les conflits internationaux. Dans une réaction sans précédent depuis Wilson (à l’époque de ce président là en 1919, il était d’un commun accord parmi les diplomates que les Etats-Unis ne devaient pas intervenir à l’étranger, c’est Wilson qui au nom de la Paix dans le monde croyant bien faire a créé cet état d’esprit visant à faire des Etats Unis un arbitre international (voir son plan en quatorze points proposés à la conférence de Paris pour la Paix en 1919). On semblerait revenir aujourd’hui au point de vue précédant Wilson.

 Ainsi, les Etats-Unis ne sont pas intervenus dans le conflit qui a récemment opposé la Turquie et la Syrie, laissant la Russie s’en occuper en jouant le rôle d’arbitre. 
C’est une bonne chose, leur intervention aurait été inopportune et n’aurait fait qu’envenimer les choses.
Ils s’apprêtent après plusieurs années d’errance à quitter définitivement l’Afghanistan. Barack Obama a été critiqué pour avoir en son temps fait partir les effectifs américains de ce pays. 
Aujourd’hui après avoir voulu régler la situation, Donald Trump fait pourtant comme lui : bourbier trop épais avec trop d’enjeux pour que l’on puisse vraiment changer le cours des choses, coût de la présence sur le terrain dans un contexte où justement les Etats-Unis délaissent la vie politique internationale pour se concentrer sur des objectifs de politiques intérieures. 
Ce retrait sonne comme un appel : visant à obliger d’autres, et pas que la Russie, à prendre le relais. 

On sait de toutes façons à quel point l’absence de toute présence occidentale en Afghanistan serait néfaste à la tranquillité dans ce pays et par extension au pays limitrophes, jusqu’à nos territoires de l’Ouest déjà victimes de terrorisme.
Or, voilà justement et le Traité d’Aix la Chapelle ainsi que les derniers pourparlers autour de la défense européenne en parlent : certains parlent en Europe de créer une task-force qui, outre la coopération anti drogue et jihad, pourrait bien elle aussi jouer le rôle d’arbitre dans certaines régions du monde cherchant à protéger les populations contre certains groupuscules ou gouvernants dans des zones de non droit. C’est ce que fait la France, seule, en Afrique sahélienne. Elle a certes eu le tort cependant de trop déléguer aux forces du G5 Sahel créé spécialement pour l’occasion.
 Non que les cinq pays africains concernés ne soient pas dirigés par des africains alertes et intelligents ni conscients de ce qu’il fallait faire,  mais c’était sous-estimer, le poids, dans une zone autrefois sans frontières, des tribus et des ethnies dans la prise de décision. 
Les intérêts ancestraux pèsent souvent beaucoup plus fort que l’intérêts de « Nations » qui n’existent que depuis les années 60 et ont eu du mal à se construire tant bien que mal, sous la gouvernance de l’ONU, du FMI ou de la Banque Mondiale. Cela dit, la France a quand même eu le mérite de s’investir dans une zone avec laquelle elle a noué des liens depuis longtemps et qui la concerne.
En Afghanistan, il serait de bon ton que l’on, rende enfin effective et opérationnelle cette fameuse force européenne dont on nous rebat les oreilles depuis longtemps mais avec des conditions : que la Russie soit aussi présente en partenariat avec nous, à égalité.
 Que au sein des forces armées en présence, ce ne soit pas l’Allemagne qui soit prépondérante et qui assure la gouvernance pleine et entière de facto comme elle l’a fait pour l’Euro. 
Les spécialistes, c’est nous les français…
néanmoins, l’Allemagne a des liens privilégiés avec la Turquie de par un passé commun d’immigration, sans tomber dans la déviance liée à une conception moderne de la notion de Mitteleuropa (l(Allemagne formant un bloc unique au sein de l’Europe du centre comprenant la Turquie, vieux rêve de fou éveillé du début du XXème).
 On peut néanmoins tabler sur ce passé commun pour améliorer la situation au Moyen-Orient, grâce à la diplomatie allemande, mais pas question qu’elle le fasse seule…toujours accompagnée de ses voisins et amis européens, hors de question qu’elle soit seule…
Certes, la Turquie n’est pas l’Afghanistan, mais il y a parfois de grands esprits qui se rejoignent et quand on veut parler d’internationale islamique…
 N’oublions pas que ce sont les frères musulmans qui ont parlé les premiers d’une Fraternité institutionnalisée entre musulmans, en créant leur organisation en Egypte en 1928 à Ismaïlia, et en organisant le Congrès mondial islamique en 1949. 
Et tant qu’ à faire, si on veut qu’un jour l’internationale islamiste rejoigne l’internationale tout court, autant capter et savoir reconnaître les esprits de bonne volonté, aurait certainement dit le franc-maçon Abdelkader (l’émir) si il avait vécu à notre époque. 
Le Lieutenant colonel Massoud (l’Afghan), n’était pas loin d’adopter le même forme de pensée. 
De là un jour à envisager que parmi nos instances importantes en matière de gouvernance mondiale nous puissions avoir au sein du conseil de sécurité  ou bien au sein de l’Union européenne ou bien encore dans un G7 élargi, l’Iran ou la Turquie… il n’y a qu’un pas à faire, pour envisager de pouvoir dialoguer et gouverner en coopération.
 Un beau cadeau donc, que nous ont fait les Etats-Unis en cette veille de nouvel an. 

Ne ratons pas cette opportunité.