mardi 3 janvier 2017

Fiche de lecture. D’après le texte de Denis Clerc fondateur du magazine Alternatives SCOP.


 Fiche de lecture. D’après le texte de Denis Clerc fondateur du magazine Alternatives SCOP. 
Par Noura Mebtouche.

« Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique »


 Aujourd’hui dans un contexte de crise du marché du travail, la SCOP se présente comme une alternative possible et souhaitable au modèle de l’entreprise classique. Dans une perspective plus élargie, elle sous-tend la problématique liée à la manière dont peut se remplir le gouffre entre une vision capitaliste et libérale du champ économique, et l’autre alternative, celle du collectivisme. 

Denis Clerc, Fondateur du magazine Alternatives Economiques, Scop, dans « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique », nous montre les contradictions d’un modèle malheureusement encore rélégué aux ornières du capitalisme régnant et peu à même encore, de constituer un vivier suffisamment organisé pour pallier aux carences de ce dernier. Toute la question est de savoir d’où le mouvement des SCOP tire son historicité et quelle est la place de cette dernière dans l’histoire économique française ?

Ce questionnement et l’enquête qui en découle, nous ouvre les portes sur une problématique qui se rapporte à notre réalité économique et sociale actuelle : le mouvement des SCOP pourrait-il être un des éléments annonciateurs autant que constitutif de l’émergence d’une troisième voie entre les modes d’organisation capitalistiques et les modes d’organisation socialistes ?

En termes contemporains, pour se refléter à l’histoire économique française d’aujourd’hui, est-il une alternative satisfaisante au duel libéral et socialiste dont le jeu d’alternative se solde aujourd’hui par un échec ?

Deux auteurs, en accompagnement à la réflexion de Denis Clerc, viennent répondre à ce questionnement.  Ainsi, dans un long article riche en documentation historique « Histoire, problèmes et projets de la coopération ouvrière en France »,   François Espagne nous renseigne t’il sur les différentes phases historiques du développement d’un mouvement qui aujourd’hui s’organise davantage, contexte économique oblige. Enfin, pour ce qui est du rôle à jouer en matière d’emploi , on peut se référer à l’article de François Gazier « Tous sublimes, vers un nouveau plein emploi », Paris, Flammarion, 2003. A l’appui de ces recherches et analyses du phénomène coopératif, Denis Clerc tente de nous donner de nouveaux éclaircissements en en énumérant les avantages comme les inconvénients. Davantage encore, il met en avant plusieurs questionnements : la SCOP renverse t’elle véritablement le rapport capitalistique ?  Remet-on en cause la société de marché ?  Le libéralisme économique ?  Ce mouvement encore classifié dans les rangs d’une économie alternative censée pallier aux carences du système existant constitue t’il une force suffisante à la mise au point d’une requalification des travailleurs et à la mise en avant d’une nouvelle classe sociale ?

Quelle est l’ampleur de l’enjeu social mis ici en avant ? Comme on le voit, les questionnements sont nombreux et variés, ils mettent en avant des dimensions aussi bien sociales que politiques ou encore économiques comme celles liées à l’emploi.

 Enfin, comment intègre t’on la nouvelle donne environnementale? 

I.                   La problématique posée : des racines plongées dans le socialisme utopique qui ont du mal à universaliser le mouvement coopératif pour en faire un paradigme historique dans l’histoire de la pensée économique. Comme le rappelle Denis Clerc, la SCOP et le mouvement coopératif dans son ensemble, sont des éléments que l’on rélègue facilement au rang de champ secondaire d’investigation en matière de théories explicatives du réel économique.  Cette rélègation serait à la fois involontaire, tenant, comme le dit Karl Marx, à la faiblesse du salariat vis-à-vis des grandes entreprises du capitalisme et volontaire, ce dernier s’organisant de façon à ne pas à avoir à se remettre en cause, notamment à travers la pensée économique…

 C’est ce que cherche à nous rappeler Denis Clerc, lorsqu’il évoque le passage du terme sociétés ouvrières de production à celui de sociétés coopératives et participatives. L’abandon du terme « ouvrières » revêt ainsi, une signification profonde. Il fait appel à plusieurs siècles d’histoire qui passent par la mise en avant d’un secteur ouvrier divisé, entre des salariés d’abord exploités puis défendus dans leurs droits et celle d’individus valorisés par leur savoir-faire technique et leur capacité à s’organiser.

 A. Une histoire qui s’inscrit tant bien que mal dans la construction d’une historicité économique française. Phénomène que Denis Clerc ne manque pas d’évoquer : le mouvement de SCOP incité par le mouvement des socialistes utopiques a accompagné le développement du capitalisme sans pour autant influencer réellement ce dernier. Sur le plan politique, il reste marginal dans son essence, et n’arrive pas à constituer une force d’action suffisamment puissante pour être autre chose qu’un mouvement récupéré. Ainsi, un autre auteur, François Espagne,  a t’il mis en avant l’existence, en parallèle avec le développement de la grande industrie naissante, de « structures traditionnelles, avec leurs marchands-fabricants, leurs ateliers familiaux, leurs ouvriers-agriculteurs, et une immense quantité de micro-entreprises et d'artisans ». Ce dernier distingue trois vagues historiques dans l’histoire du monde ouvrier :

 a. D’abord la période 1830-1880. Celle de l’espoir, ce sont les mots de l’auteur, où se théorisent les modes d’organisation sous forme coopérative. Ce mouvement est contemporain des révoltes ouvrières, celle de la Commune, celle des Canuts à Lyon. Il met en avant la scission profonde entre l’Etat français, qui dispose du pouvoir des institutions et du monopole de la coercition légitime, et celui des individus salariés, ceux du monde ouvrier notamment, avec des événements tragiques comme la sévère répression menée par Adolphe Thiers contre la révolte des Canuts.

Cette scission, quoique occultée derrière un camouflage visant à laisser entendre qu’un certain consensus existe autour notamment, récemment, de la question de l’emploi est la principale source du malaise de la représentativité politique actuelle.

b. La deuxième vague (1880-1980) serait, selon le même auteur celle de la mise au point d’une organisation d’une certaine classe ouvrière, celle-ci se donne de la cohésion au gré des avancées du droit du travail et s’organise syndicalement et associativement. : elle mettra pour cela cent ans, entre 1880 et 1980… une période d’un siècle…

 c. La troisième vague (1980-2015), est celle du retour à la réflexion sur la coopération comme mode d’organisation. La classe ouvrière, comme signe de reconnaissance et de regroupement inaugurant de nouvelles solidarités sociales, sur lequel repose le clivage gauche-droite, a fait ses preuves sous les coups de butoir de la crise pétrolière, de la stagflation qui en résulte, situation qui combine chômage et inflation.  C’est le retour des grands auteurs, observateurs notamment de la révolte des Canuts comme Proudhon, Engels ou Fourier mais encore d’une certaine manière, Bakounine, mais ce renouveau se fait encore sous une certaine indifférence, celle des pouvoirs publics et des employables qui ont un emploi ou pointent encore au chômage, tandis que se développent des coopératives de production au sein des endroits où se niche la paupérisation et l’exclusion sociale. Ce que François-Espagne appelle « un prolétariat de l’exclusion ».

Et l’auteur de souligner la grande diversité des milieux d’activité où se développent les SCOP, ce qui est le reflet de la grande capacité de ces dernières à s’adapter. Ainsi la SCOP serait-elle d’après Denis Clerc, porteuse d’un réel projet de changement de la sphère productive mais elle se confinerait cependant, en ce qui concerne le secteur industriel, à quelques rares tentatives et ne serait pas suffisamment importante pour contribuer à des transformations sociales suffisamment conséquentes pour en modifier le paradigme, celui fondé sur le traditionnel rapport salariat-ouvrier.

B.  Qu’en est-il de la sphère du changement social ?

a. L’émergence d’une nouvelle stratification sociale.

En 2010, année où Denis Clerc écrit cet article coexistent, en France, 2000 SCOP et 40000 salariés. C’est peu en regard du nombre d’entreprises, c’est beaucoup, si l’on considère l’évolution de leurs effectifs, en regard notamment des nombreuses crises d’identification et de reconnaissance que le mouvement a essuyé lors des deux premières phases mises à jour par François Espagne.

* Les Sublimes.

Davantage encore, on assiste au développement de nouvelles qualifications sociales et de nouvelles bases pour la stratification du social qui sont conditionnées par les niveaux de qualification. Ainsi, Denis Clerc évoque t’il les Sublimes, ces  ouvriers du XIXème siècle qui étaient le plus souvent composés d’ouvriers de métiers, aux qualifications reconnues et élevées, qui supportaient mal la surveillance ou l’autorité d’un patron. Ces derniers font partie d’une frange spécifique de la population qui échappe à la domination qui pèse sur les ouvriers salariés. Ils font partie d’une structure plus ou moins organisée que l’on retrouve notamment dans le compagnonnage, une forme d’aristocratisation de ce monde social des travailleurs.



Et comme le dit l’auteur : « D’une certaine manière, une bonne partie des Scop qui se sont créées depuis une trentaine d’années sont composées de « Sublimes », qui ont décidé de s’associer pour matérialiser leur refus de la hiérarchie et leur désir de se réaliser dans un métier ». Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

 De cette forme de qualification là nait le paradigme du nouvel entrepreneur. Celui ci est très proche de celui décrit par Joseph Aloys Shumpeter dans théorie de l’évolution économique pourtant écrit en 1911. Il fait la part belle à l’innovation, c’est ce qui le caractérise et c’est aussi ce qui caractérise l’ensemble du système social dont il conditionne par ses actes et ses choix, le changement social. Sauf que, ici, cette possibilité est donnée à tous, non pas par la propriété du seul capital que l’on peut faire fructifier en se servant du salariat, fondant ainsi, un rapport social de dominant/dominé mais en obtenant grâce à la participation de chacun à l’organisation de l’entreprise où il travaille, des parts sociales de cette dernière. Mais cependant rien ne change, du point de vue de l’innovation, en matière d’organisation du travail ou de nouveaux podiums, tout au plus se doit-on de signaler les transformations qui marquent nos classifications sociales actuelles : le mouvement SCOP même si il n’est pas encore assez puissant pour que cette affirmation se vérifie tout à fait, pourrait-être un moyen d’échapper à cette modernisation de la société, phénomène décrit par Henri Mendras dans La seconde Révolution française 1965-1984, Gallimard, Paris, 1988 qui caractérise bien nos sociétés contemporaines et dont le principal avatar est de reposer sur les modes de consommation. Ici, il s’agit davantage d’une voie vers une forme d’«aristocratisation sociale », pour reprendre les mots de Denis Clerc, qui pourrait constituer une nouvelle amorce de changement,  suffisamment importante pour modifier complètement les critères de qualification de la place de chacun, pour peu que l’on s’en donne les moyens. Pour cela, il faudrait tout faire pour favoriser le petit entrepreneur et…les SCOP…ce processus participe d’un même mouvement.



*La typologie de Philippe Frémeaux.

Une autre forme de qualification repose sur la typologie de Philippe Frémeaux : Dans un travail, (Frémeaux, 2011) commandité par la Fondation Charles-Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme et la Caisse des Dépôts et Consignations (organisme d’État, qui gère notamment les fonds collectés par les Caisses d’Épargne), Philippe Frémeaux (le Président d’Alternatives économiques) distingue quatre types de Scop : les Scop d’égaux, les Scop militantes, les Scop sociales, les Scop industrielles.

-Les SCOP d’égaux sont des SCOP qui mettent d’abord en avant le partage des parts sociales comme du travail ou du matériel entre les membres. L’objectif mis en avant est ici éthique.

-Les SCOP militantes sont des SCOP qui se sont formées par et pour l’action revendicative. L’objectif ici est politique.

-Les SCOP sociales sont des SCOP qui se sont mises en oeuvre dans le but de venir en aide aux plus défavorisés ou bien dans celui de maintenir l’activité d’une entreprise abandonnée par ses associés actionnaires capitalistes afin de sauvegarder les emplois. L’objectif est ici avant tout socioéconomique. Il répond à une exigence liée à la conjoncture.

-Les SCOP industrielles sont des SCOP qui ont été mises en place afin, de réaliser des économies d’échelle et de renouveler ou maintenir le potentiel productif de ce type d’entreprises. L’objectif ouvre ici des perspectives industrielles, de restructuration et pourrait être l’objet d’une nouvelle forme de politique industrielle. C’est ce dernier surtout qui est intéressant sur le plan macroéconomique et sur le plan de la logique renversement du rapport capitalistique, rien ne l’empêche d’être aussi en même temps social ou militant ou politique ou éthique.

Là encore, il y a une fort phénomène d’identification des individus à un groupe à identité forte, dans chaque cas de figure. Il n’est en aucun cas lié aux phénomènes de consommation ostentatoire analysés par Veblen et échappe très largement aux paradigme que l’on tire de la théorie du développement de Rostow, laquelle nous oblige encore une fois à définir notre société sur des critères liés à la consommation et à envisager un jour la fin du capitalisme. Bien au contraire il permet d’envisager une économie réencastrée au sens de Karl Polanyi (Karl Polanyi, La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, (1944) (1983).



II. Les conclusions des auteurs : une modification des rapports sociaux fondés sur l’économique.

En effet, même si comme nous le rappelle Joseph Aloys Schumpeter , le capitalisme, l’innovation, est là pour maintenir l’entreprise capitaliste en place pour longtemps, il semblerait que l’apport du progrès technique à la fonction de production dont Robert Merton Solow a montré qu’elle maintenait les rendements croissants ait, à la lumière de ce qu’il se passe à notre époque sur les marchés, des limites certaines. Le nouvel engouement pour les SCOP et pour les modes de consommation alternatifs repose, c’est une évidence, sur une certaine lassitude du marché (c’est à dire à la fois des entreprises et des consommateurs) pour les biens et services produits par les économies d’échelle qui ne font à chaque fois, qu’améliorer le produit afin que son cycle se rallonge (Robert Vernon). Ainsi pourrait-on dire, à l’aune de cet exemple que le capitalisme touche à sa fin et cherche ainsi à se reconvertir en investissant par exemple dans l’économie circulaire ou faussement alternative (labels équitables, labels biologiques), tandis que, dans ce cadre, les mouvements comme celui des SCOP se présentent comme les représentants légitimes de cette sphère économique là, place qu’ils feraient bien de tout faire pour garder, si on ne veut pas que se fomentent de nouveaux monopoles; c’est en tous cas le phénomène que l’on constate aujourd’hui, notamment à travers le mouvement des monnaies complémentaires.

Pour renverser le rapport capitalistique et confirmer Karl Marx, qui lui aussi avait remarqué bien avant l’heure, les contradictions du système capitaliste à travers la théorie de la baisse tendancielle du taux de profit que nous osons ici comparer à celle des rendements décroissants, il faudrait en effet, que le mouvement soit puissant et fortement soutenu par l’Etat.

Cet enjeu s’avère important : c’est un enjeu social et historique visant à laisser la société civile se réapproprier son économie, et c’est ensuite un enjeu qui transforme complètement les rapports économiques. De fondés sur la domination ils deviennent fondés sur la coopération.

 Cette question, Denis Clerc se la pose franchement : l’augmentation du nombre de SCOP, est-il un signe que la modification de notre paradigme économique pour une transition vers une économie nouvelle, est en train de se faire ?

Et de citer les barrières et les barrages qui se posent au renversement du rapport capitalistique (nous reprenons ici les thèmes de Karl Marx fondés sur la domination). A travers trois questions :

*La question de la division technique du travail (un nouveau rapport de domination).

«  Mais dans les grandes Scop, la division technique du travail devient assez vite une division sociale, concrétisée par des écarts de salaires relativement importants, par exemple entre la maîtrise et les ouvriers, ou entre le bureau d’études et le personnel de fabrication, car il faut tenir compte de l’échelle des salaires qui prévaut sur le marché du travail si l’on veut disposer des compétences requises. Et ces différenciations fonctionnelles, hiérarchiques, salariales et en même temps sociales réduisent le niveau de confiance et de capacité coopérative qui peut exister dans une petite Scop (cf. Laurent, 2012). Le « nous » se transforme fréquemment en une différenciation entre « eux » et « nous ». L’obstacle n’est pas irrémédiable, et les formes de gouvernance peuvent être adaptées, pour faciliter les capacités d’expression de chacun et créer ces liens sans lesquels une Scop fonctionne mal. Mais ce n’est pas toujours le cas ».

Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

* La question du capital et de son renouvellement.

« À cette première cause de difficulté liée à la taille, s’en ajoute une autre, particulièrement forte dans les Scop industrielles : la nécessité de financer sans appel au marché financier, non seulement le besoin en fonds de roulement, mais aussi les investissements en recherche-développement et les équipements, en général coûteux et rapidement obsolètes, sans lesquels l’entreprise elle-même est menacée. Or l’industrie est un secteur d’activité très capitalistique, (au sens où il lui faut beaucoup de capital technique par salarié pour fonctionner). Au contraire, les travailleurs associés sont pauvres en capital financier. Quand leur entreprise est installée sur une « niche » à forte valeur ajoutée, ou dans une activité où la petite taille initiale n’est pas un handicap (bâtiment, imprimerie par exemple), elle demeure viable et peut grandir… à condition que les résultats soient très largement, voire totalement réinvestis. Mais la pression des travailleurs associés en faveur d’un partage de ces résultats est forte. ». Extrait de Denis Clerc « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

Citons également la dernière phrase de ce paradigme :

«Bref, d’une certaine manière, les Scop et notamment dans l’industrie où le besoin de fonds propres est important – volent sans parachute, et doivent impérativement faire des bénéfices pour ne pas être menacées de disparition.». Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

Il y a également derrière tout cela, la question que pose également Denis Clerc du licenciement : que faire en cas de difficultés économiques ? La SCOP sera, quoiqu’il advienne pour des critères de rentabilité, obligée de licencier comme toute autre entreprise. Le critère de rentabilité ne disparait donc pas, même s’il n’est plus l’unique objectif de l’entreprise mais en cas de coup dur, si la SCOP ne veut pas disparaitre et ses emplois avec, il doit malgré tout être mis en avant en premier lieu. Comme on le voit ici , poser le mouvement des SCOP comme le vecteur principal de changement de paradigme économique, sortant du rapport capitalistique, qui serait voué à disparition, dans une perspective pas seulement historiciste au sens de Karl Marx mais tout simplement pratique et conjoncturelle, même si elle confirme cette théorie, revient à dire que le mouvement des SCOP tout comme la réappropriation de la sphère économique par les individus et non les seuls détenteurs du capital pourrait être voué à l’échec en l’absence de mesures réglementaires émanant de l’Etat visant à le protéger de la sphère du grand capital.

Nous reprenons ici une phrase de Karl Marx cité par Denis Clerc :  «Ce que Marx critiqua de façon virulente dans son «Adresse inaugurale à l’association internationale des travailleurs » (1864), l’éphémère Première internationale : « La coopération des travailleurs [...] ne sera jamais capable d’arrêter les monopoles qui croissent en progression géométrique ; elle ne sera pas capable de libérer les masses, ni même d’alléger de façon perceptible le fardeau de leur misère. » ». Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

Par ailleurs, François Espagne nous montre bien comment, dès la troisième phase historique de développement des SCOP, on se sert de Karl Marx pour étouffer ce mouvement de liberté et le ramener à un vaste ensemble économique maîtrisé par un nombre faible :

«Dès le départ, notamment le troisième congrès on perd la bonne voie et on s’engouffre dans celle du regroupement partisan à grande échelle, sans le savoir, les mouvements ouvriers participent ici à la grande entreprise d’aliénation des individus par les même que ceux qui ont mis en place le capitalisme, le même terme que celui pourtant utilisé par l’auteur de référence principale de ceux qui s’en serviront pour mettre en place le collectivisme et diviser le monde en deux: Karl Marx. Tout y est fait pour sur un plan historique, pour mettre fin à la diversité: Ainsi, après avoir réaffirmé le principe de la coopérative lors des 1er (Paris 1876) et 2ème congrès (Lyon, 1878. ».

 Aussi, insiste- t'il fortement sur le troisième congrès ( Le 3ème Congrès (1879, Marseille) :

« Celui-ci, est celui de la rupture : dominé par la tendance guesdiste, il retient comme système de pensée le "collectivisme marxiste", comme explication de l'histoire et comme stratégie, la lutte des classes, comme objectif la conquête du pouvoir d'Etat, et comme moyen d'action le parti politique. Il n'exclut pas syndicats et coopératives, mais les considère comme des moyens subordonnés "d'agitation révolutionnaire", et "de propagande pour la diffusion des idées collectivistes et révolutionnaires". Passant aux actes, il donne naissance au premier parti politique "de classe", la "Fédération des Travailleurs Socialistes français", qui, de scissions en regroupements, aboutira à la S.F.I.O. de 1905.». Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

 Ce passage nous montre comment, dès le troisième congrès, le mouvement des SCOP est absorbé au sein d’une lutte politique qui tend à se servir de toutes les forces en présence, notamment ceux qui s’estiment brimés par le rapport patronat/ouvrier au sein d’un vaste ensemble qui va, au cours du siècle, se constituer et s’organiser de façon à former un ensemble cohérent suffisamment fort, pour former une alternative aux autres partis politiques. C’est notamment de ce troisième congrès que naît le clivage gauche-droite. Dès lors, le mouvement des SCOP a du mal à se définir et perd sa voie naturelle qui est celle de constituer une troisième voie possible, celle de la contestation du capitalisme. En d’autres termes, ce phénomène, loin de remettre en cause l’organisation capitaliste (des associés qui se partagent le capital des grands monopoles et oligopoles ) ne fait que l’avaliser d’autant plus qu’il fait perdre à d’autres vies possibles la possibilité de s’exprimer et de s’organiser en tant qu’initiateurs d’une sortie du capitalisme.

C’est à ce dilemme que nous nous trouvons confrontés aujourd’hui avec un enjeu qui est celui de la sortie définitive du capitalisme et des multinationales, et un réveil dans l’adversité (les voies naturelles de résolution des problèmes de nature macroéconomique comme le chômage étant en échec), le mouvement des économies dites alternatives, dont les SCOP, ressortent comme étant une clé possible, se présente alors comme la solution à exploiter.

III. Vers un paradigme contemporain : la question environnementale.

Finalement, l’actualité reflète les  même problématiques que celles nées au début du XXème siècle, à cela près que quelque chose a changé. D’abord, le capitalisme a montré qu’il avait des limites, la crise des prix des produits pétroliers du début des années 70 a laissé la place à plusieurs décennies de déflation avec chômage et inflation, pour ensuite, chez nous, finir par asseoir définitivement le fonctionnement du capitalisme (celui-ci met en oeuvre le capital) des multinationales, avalisées et maintenues en place par des institutions comme celles de l’Europe de l’Euro ou encore de l’organisation mondiale du commerce,les autres institutions internationales : FMI et banque mondiale se constituant en financeurs et en censeurs de ce dernier.

Dans ce contexte, la phrase de Denis Clerc prend tout son sens :

«Les Scop sont-elles condamnées à n’être que marginales, alors même que, d’un point de vue micro-social, on l’a vu, elles contribuent à démocratiser le système productif, à donner la parole et le pouvoir aux salariés, à réduire les inégalités salariales et à bannir l’exploitation du travail par le capital? Ce qui précède pourrait le laisser penser. Mais, paradoxalement, la crise environnementale dans laquelle nous sommes plongés – et plus particulièrement l’épée de Damoclès du réchauffement climatique qui se trouve au-dessus de nos têtes – change la donne du tout au tout. Cette crise, en effet, scie la branche sur laquelle le capitalisme est assis. Il apparaît clairement que la somme des intérêts particuliers (l’enrichissement) ne produit pas l’intérêt général, mais risque au contraire de déboucher sur le pire. Ce n’est pas vraiment une nouveauté, et il fallait la foi chevillée au corps pour penser, comme Adam Smith ou Friedrich Hayek, que la main invisible du marché contribuait forcément à l’intérêt général. Mais globalement, il faut bien reconnaître que le système capitaliste, malgré tous les vices dont il est porteur – l’exploitation, la concurrence déloyale, les crises, le chômage, les inégalités –, a fortement contribué à améliorer le niveau de vie de la plupart, au moins dans les pays de vieille industrialisation. Mais, avec le défi environnemental, la donne change. Réduire de trois quarts les émissions de gaz à effet de serre en moins d’une quarantaine d’années dans nos pays de vieille industrialisation ne peut résulter du seul marché. Il va falloir que, pour une part au moins, l’intérêt général de l’humanité tout entière guide les actions de chacun. ». Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

Puis il nous montre que la conjoncture, et donc la problématique a changé . En effet là où au début du XIXème siècle l’enjeu consistait à produire et à améliorer la productivité tout en changeant un rôle social en matière d’emploi, les entreprises sont désormais confrontées à la question climatique et environnementale. Celle-là même qui a été débattue lors des accords de la COP 21 sur le changement climatique, qui se sont déroulés en décembre 2015 dernier , au Bourget.

«Or, dans le domaine de la production, les Scop sont bien mieux placées que les entreprises classiques pour opérer cette mutation. Elles ne s’appuient pas sur la soif d’enrichissement personnel, mais sur la coopération, pas sur l’intérêt individuel des actionnaires, mais sur l’intérêt collectif des travailleurs. En outre, leur mode de fonctionnement ne se fixe pas pour objectif de maximiser les gains, mais de pérenniser l’emploi : c’est la raison pour laquelle les statuts imposent que la « part travail » ne dépasse pas moitié du résultat, le reste étant affecté aux réserves, lesquelles sont impartageables (ce qui explique que la part de capital ne peut se valoriser). Certes, répondront les critiques : mais cela n’empêche pas que chaque Scop se soucie comme d’une guigne de l’intérêt de la société tout entière. C’est vrai. Mais les Scop peuvent bien plus facilement fonctionner dans un environnement sans croissance. Laquelle risque fort de ne plus être au rendez-vous, si l’on souhaite prendre en compte les impératifs climatiques, comme le montre à l’évidence Michel Husson, un économiste français, sur son site (Husson, 2010).".». Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».

Ces impératifs rendent les objectifs justement de la SCOP plus cruciaux et leurs modes de fonctionnement qui se font dans une optique de coopération plus adaptés aux nouvelles données conjoncturelles :

«Il va donc falloir réduire les inégalités et les problèmes sociaux non plus par la fuite en avant dans une course éperdue vers une croissance désormais prédatrice, mais par des formes de partage de l’emploi et de réduction des inégalités au sein même des entreprises. Ce qui implique que celles-ci deviennent des organisations plus solidaires, soucieuses de qualité (du travail, des produits et des relations sociales) davantage que de quantité, assument leurs responsabilités sociales et environnementales et ne fassent pas du profit maximal la finalité de leur existence. ». Extrait de Denis Clerc. « Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique ».







 On retrouve ici la théorie du réencastrement chère à Karl Polanyi. L’économie devient non plus une sphère qui fonctionne toute seule, prodiguant un revenu aux ménages à l’Etat et aux entreprises, mais largement déconnectée de la réalité par la sphère financière mais bien une entité qui fonctionne avec, pour et par, la société. Il y aurait donc, comme nous l’exprimions en première partie, un enjeu social qui n’a pas pu se développer suffisamment au cours du XXème siècle car les règles du jeu ont été faussées par l’avénement du capitalisme qui pourrait dès aujourd’hui être mis en valeur et satisfaits afin que sphère économique et sphère sociale (au sens de fonctionnement des rapports humains entre eux) puissent s’articuler et fonctionner ensemble.

Cela fonctionne de concert avec des problématiques déjà évoquées sur le plan politique : ainsi du partage du temps de travail (voir loi sur les trente-cinq heures qui reste d’actualité….Si jusqu’ici, le mouvement des SCOP a été détourné de sa vocation première consistant à être le reflet et le principal moteur d’une société d’égaux et de coopération, il se pourrait bien qu’à l’aune des problématiques du début du XXIème siècle (emploi-chômage et environnement), une nouvelle opportunité se présente à lui de constituer contrairement à ce que disait Karl Marx, une force suffisamment puissante pour être le point de départ de cette alternative.

Conclusion :

 Un mode transversal de développement économique, celui de la troisième voie.

Il se développe un mode transversal de développement économique qui pourrait constituer une "troisième voie". Ce dernier ne pourrait se faire sans remplir deux conditions : l’intervention de l’Etat et le protectionnisme.

Ce dernier peut résoudre deux types de problématiques générés par le mode de fonctionnement capitaliste qui divise :

 -L’emploi. Nous évoquerons ici l’étude de Bertrand Gazier : "Tous Sublimes". Vers un nouveau plein-emploi, Flammarion, 374 p. -rééditions (2005), Vers un nouveau modèle social, Champ Flammarion, 376 p.

Ce dernier évoque l’existence salutaire des marchés transitionnels  : les transitions  sont définies comme l’ensemble des positions temporaires de travail et d’activité. En effet, des notions comme celles de système d’emploi, de régime d’emploi, de cohérence institutionnelle et d’équivalent fonctionnel, sont notamment utilisées dans l’ouvrage.

Cette analyse rejoint celle que nous évoquons ici à l’aune des explications de Denis Clerc, à savoir que les mouvements comparables à ceux des SCP sont des mouvements qui laissent entrevoir une possibilité de réencastrement : ainsi, les ouvrages de Bertrand Gazier évoquent t’ils une lecture « non économiciste » des propositions de Beveridge (1945), où le plein-emploi n’est plus compris comme un chômage réduit à sa composante frictionnelle, mais comprend la notion d’inclusion sociale dans un sens large, c’est-à-dire étendue notamment aux perspectives de carrière. Ceci conduit les auteurs à considérer les propositions d’allocation universelle comme deux doctrines qui repose sur la liberté de choix et l’intégration sociale : les marchés transitionnels constituent alors une proposition intermédiaire permettant de concilier ces deux objectifs.

L’intérêt de ces deux ouvrages est de développer une analyse socio-économique des politiques de l’emploi centré sur les transitions. Bien entendu, il va de soi que cette forme de conception transitionnelle des choses est particulière au mouvement des économies alternatives dont fait partie le mouvement des SCOP tout comme celui du revenu universel ou encore, le champ des monnaies complémentaires. En effet, si chaque politique économique est perçue par le grand public selon le bon vouloir des politiques, toujours comme une transition , il n’en s’agit pas moins ici, d’une transition d’un type particulier qui pourrait ouvrir à un nouveau modèle, ce que l’on appelle ici un nouveau paradigme. Cela ne pourra pas se faire sans l’apport des théories institutionnalistes auxquelles Bertrand Gazier laisse une large part.

-la problématique environnementale. Pour terminer, nous appuierons comme le fait Denis Clerc sur la notion environnementale qui tend aujourd’hui à alimenter le nouveau paradigme, à rendre son développement possible, parce que posé par la nécessité. Sans conteste, nous invitons ici le lecteur à se référer aux passages du texte de Denis Clerc cité précédemment, le facteur environnemental trouve dans l’expression du secteur des SCOP, son plus sûr moyen d’être mis en valeur et inclus au sein de la fonction de production au même titre que le progrès technique. Nous citerons actuellement les travaux de l’économie de la fonctionnalité expliquées dans le site suivant : elles aussi partent du paradigme environnemental pour réfléchir à l’économie de demain. Ainsi, on passerait par la force des choses, du pragmatique au fonctionnel, pour arriver un jour peut- être, à l’efficience, c’est à dire une économie sans coûts de transaction, proche de l’optimum défini ici non pas comme le faisait Vilfredo Pareto, sur la simple utilité, mais sur un faisceau complet d’indicateurs, qui inclueraient les données sociales et environnementales. On se situerait donc ici dans la lignée des économistes comme Amartya Sen (Repenser l'inégalité, Points, 2012 (Points Economie), Éthique et économie, PUF, 2012), qui, dès les années 90, évalue les richesses sur des critères qui ne sont pas uniquement quantitatifs avec des outils comme par exemple l’IDH.

Même si ces travaux sont encore marginaux et souvent «en cours de recherche», il n’en reste pas moins qu’ils rejoignent bien l’idée d’une troisième voie dans une approche purement transversale, proche de la notion de réencastrement (puisque on réconcilie l’économie avec l’humain et les sociétés dans les deux cas) . D’autres travaux de recherche sont en cours, ils se développent dans la lignée de cette perspective consistant à concevoir l’économie non pas comme un vaste marché voué au libéralisme mais tout en respectant la loi de l’offre et de la demande et en tenant compte des besoins réels tant sur le plan de la consommation que de l’emploi, ouvert à d’autres formes d’appropriation du capital. Le mouvement des SCOP se situe donc bien dans cette lignée, il se confirme à travers le développement de nouvelles formes d’organisation économique dont la SCOP fait partie.

 Il y a en effet, dans les milieux institutionnels, un intérêt grandissant pour l’ESS et l’apport du développement associatif dans l’économie que le renforcement de la part jouée par les régions dans l’économie devrait confirmer, puisque leur rôle en la matière se confirme avec la loi  NOTRE, qui entre en vigueur en 2016.

Cette tendance se confirme aussi par d’autres phénomènes comme l’intérêt de la caisse des dépôts et des consignations pour le club de l' économie de la fonctionnalité et la question environnementale. (Voir club économie de la fonctionnalité et développement durable : caisse des dépôts et des consignations).

Une seule ombre au tableau : cette dernière est aujourd’hui prise en charge de plus en plus par le secteur financier et privé, elle risque donc d’être récupérée encore une fois au sein de la sphère de raisonnement capitaliste au lieu d’appartenir à celui des économies alternatives comme les SCOP. Dans ce cas, il y a un danger de voir notre patrimoine environnemental devenir sujet à une appropriation par les firmes, notamment comme le montre Jutta Kill dans «l’évaluation économique de la nature», Fondation Rosa Luxemburg, bureau de Bruxelles, novembre 2015, par des formes de titrisation.

C’est pourquoi, il semblerait que la question institutionnaliste soit cruciale : cette réappropriation du Capital à l’aune des nouveaux enjeux de réencastrement ne saurait se passer de la réglementation éthique de la part de l’Etat, notamment dans les pays en développement où les SCOP, le développement local, avec mise en valeur des spécialités régionales sont des enjeux cruciaux.

Enfin, comme nous l’évoquions au début de cette introduction, ce développement d’un paradigme nouveau ne pourrait se faire dans les pays développés comme dans les pays en développement, sans la mise en place de mesures de type protectionniste. 

Friedrich Liszt évoquait pour justifier de telles mesures à son époque, le capitalisme naissant, il s’agirait ici du renouveau économique naissant. (Zollverein, protectionnisme éducateur exprimé notamment dans Friedrich Liszt, "Système national d'économie politique, édition de Henri Richelot, Paris, 1857".

Ce protectionnisme ne porterait pas atteinte au libre-échange mais pourrait fonder un nouveau type de mondialisation, plus réglementé et plus éthique.

Bibliographie sommaire.

Denis Clerc, Fondateur du magazine Alternatives Economiques, Scop, dans «Les coopératives de travail en France : état des lieux et défis actuels en contexte de crise écologique»

François Espagne, «Histoire, problèmes et projets de la coopération ouvrière en France», (1996).

 Bertrand Gazier, «Tous sublimes, vers un nouveau plein emploi», Paris, Flammarion, 2003.

 Bertrand Gazier : "Tous Sublimes". Vers un nouveau plein-emploi, Flammarion, 374 p. -rééditions (2005), Vers un nouveau modèle social, Champ Flammarion, 376 p.

 Karl Marx, Le Capital. Critique de l'économie politique, 1867. 

 Karl Marx, Les Luttes de classe en France, 1850.

Joseph Aloys Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, 1911.

 Henri Mendras, « La seconde Révolution française 1965-1984 », Gallimard, Paris, 1988.

 Philippe Frémeaux, Fondation Charles Léopold Mayer, étude pour le Progrès de l’Homme et la cause des dépôts et consignations.

 Rostow. Les étapes de la croissance économique, 1960.

 Karl Polanyi, la Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, (1944) 1983).

 Jérome Maucourant, «Avez vous lu Polanyi ?». Paru le 25 octobre 2011 -Essai (poche)

 Robert Merton Solow, «A Contribution to the Theory of Economic Growth», Quarterly Journal of Economics, vol.70, no1, 1956, p.65–94 (lire en ligne)

 (Robert Vernon), Principe de l’économie politique et de l’impôt (1817)

Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des Nations, 1776,  Paris, PUF, coll. «Pratiques théoriques», 1995, 1512p.

 -Friedrich Von Hayek, La présomption fatale : Les erreurs du socialisme, Paris, PUF, coll.«Libre échange», 1993 .

-Friedrich A. Von Hayek (préf.Christian Schmidt), Prix et production. [«Prices and Production»], Paris, Calmann-Lévy, coll «Perspectives de l’économie», 1975.

-Friedrich Von Hayek. La route de la servitude. The road to serfdom, Paris, PUF, coll Quadrige, 2010.



Michel Husson, un économiste français, sur son site (Husson, 2010)."..

 William Beveridge, (1945), rapport de 1942, Social Insurance and Allied services.



Théories institutionnalistes.

Veblen, T. (1899), Théorie de la classe de loisir, Paris, Gallimard, 1970.

Veblen, T. (1904), The theory of business enterprise, New York, Scribner, 1927.

Veblen, T. (1914), The instinct of workmanship, New York, Huebsch, 1922.

Williamson, O. (1985), The Economic Institutions of Capitalism, New York, The Free Press.

Boyer, R. & Saillard, Y. (eds) (2002), Théorie de la régulation. L’état des savoirs, Paris, La découverte.

Thorstein Veblen, "Why is Economics Not an Evolutionary Science" The Quarterly Journal of Economics Volume 12, 1898.



Economie de la fonctionnalité.

Gérald Gaglio, Jacques Lauriol, sous la direction de Christian du Tertre (2011) "l'économie de la fonctionnalité : une voie nouvelle vers un développement durable ?". Octarès, octobre 2011.« L’économie de la fonctionnalité : une voie nouvelle vers un développement durable ? », Octarès, Octobre 2011 (ISBN 9782915346930) Combe, V., Perrier, S., Pireyn B, Richard C (2008) Étude prospective sur l’économie de fonctionnalité en France,

Bourg D., Buclet N, (2005), L'économie de la fonctionnalité: changer la consommation dans le sens du développement durable, Futurible, Nov 2005, Numéro 313, p.27-37

 Amartya Sen, Repenser l'inégalité, Points, 2012 (Points Economie), Éthique et économie, PUF, 2012

 Jutta Kill , «l’évaluation économique de la nature», Fondation Rosa Luxemburg, bureau de Bruxelles, novembre 2015,   

Friedrich Liszt, "Système national d'économie politique, édition de Henri Richelot, Paris, 1857".

Le troisième congrès a eu lieu en 1879, à Marseille.

dimanche 1 janvier 2017

Entre nucléaire et rente pétrolifère : quel équilibre mondial ?


Religions, inégalités économiques, conflits d'intérêt, ne sont rien à côté de deux types d’hégémonie : le pétrole et le nucléaire. Supprimer ces deux préoccupations majeures permettrait de court-circuiter l'actuelle tendance, qui vise à modifier les rapports géopolitiques entre Etats, dans le sens de nouvelles concessions issues des rapports de force.

L'avenir de tous les peuples du monde et de leurs indépendances pourrait s'en trouver fortement remise en cause. Alors, quelles solutions ?

I.  Pétrole : changement de donne.

Quels articles sur le changement de la donne pétrolière.


Source : El Watan. (Journal algérien).


« Les pays producteurs de pétrole non Opep se sont engagés, hier, à réduire leur production de près de 600 000 barils par jour, dont 300 000 barils/jour pour la Russie, dans le sillage de la récente décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de revoir ses quotas à la baisse en réduisant sa production de 1,2 million de barils/jour. (El Watan).

Une entente sur la nécessité de réduire l’offre de l’or noir pour stimuler une hausse des prix, en déclin depuis 2014, qui s’est dessinée à Alger, au mois de septembre, et s’est confirmée entre pays producteurs Opep et non Opep, lors d’une réunion qui a regroupé, hier à Vienne, les représentants des 25 pays producteurs. Un accord qui s’ajoute à celui conclu par l’Opep le 30 novembre dernier, ce qui permet de totaliser une réduction globale de près de 1,8 million de barils/jour.

Il faut savoir que les pays non Opep comptent notamment la Russie (qui s’est engagée à retirer 300 000 barils/jour), le Mexique (-100 000 barils), le sultanat d’Oman (-45 000 barils) l’Azerbaïdjan (-35 000 barils), Bahreïn (-12 000 barils), la Bolivie (-4000 barils), Brunei (-7000 barils), la Guinée équatoriale (-l2 000 barils), le Kazakhstan (-50 000 barils), la Malaisie (-35 000 barils), le Soudan (-4000 barils) et le Soudan du Sud (-8000 barils).

L’accord dûment signé, après plusieurs heures de discussions entamées dans la matinée dans la capitale autrichienne, devrait consolider la stabilisation des marchés pétroliers, en déprime depuis des années suite à la dégringolade des prix faute d’une régulation appropriée de la part des producteurs.

La décision était attendue, mais sa concrétisation par un accord en bonne et due forme des protagonistes de la scène pétrolière mondiale va nécessairement consolider la courbe ascendante des prix dès la réouverture des places de cotation, demain. A leur fermeture, vendredi soir, l’or noir valait 54,36 dollars à Londres (place de cotation du pétrole algérien) et 51,49 dollars à New York.

L’optimisme était de mise bien avant l’ouverture de la réunion des pays Opep et non Opep à Vienne. Ainsi, les ministres chargés du pétrole des pays concernés ont unanimement affirmé s’attendre, à l’issue de la réunion qualifiée d’«historique», à un accord, alors que la Russie a réitéré son engagement de retirer 300 000 barils/jour, soit la moitié du volume à réduire par les hors-Opep.

En marge de la réunion, le ministre saoudien de l’Energie, de l’Industrie et des Ressources minérales, Khaled El Falih, a relevé que l’accord Opep-non Opep est «le fruit de la réunion de l’Opep tenue à Alger en septembre». M. El Falih a affirmé que la baisse totale à opérer par les producteurs Opep et non Opep (environ 1,8 million de barils/jour) est convaincante et permettra de rétablir l’équilibre du marché.
A la veille de la réunion, le ministre algérien de l’Energie, Noureddine Boutarfa, avait aussi exprimé son optimisme de voir la réunion «consolider l’Accord d’Alger», soulignant la «nécessité d’une coopération Opep-non Opep pour stabiliser le marché».
Il faut savoir que l’Opep table sur une solide demande de pétrole en 2017 en dépit de l’accord de réduction de sa production conclu la semaine dernière pour faire remonter les cours.


Le secrétaire général de l’OPEP, Mohammed Sanusi Barkindo a estimé, lors d’une conférence sur l’énergie, que l’Asie aurait un grand rôle à jouer dans la croissance de la demande. Il a rappelé que «le baril de Brent a dépassé lundi dernier, les 55 dollars, son plus haut niveau en 16 mois, ajoutant que l’année prochaine, la croissance sera aussi robuste que cette année, aux alentours de 1,2 million de barils».

Au niveau mondial, l’Opep estime que la demande devrait augmenter de 17 millions de barils/jour aux alentours de 110 millions d’ici 2040.



Lire l’article suivant : le Nouvel Observateur. (11/08/2013).

La découverte de nouveaux gisements augmente les réserves mondiales et menace la suprématie des pays du Golfe. Avec un nouveau danger : l'huile de schiste, encore plus polluante que le pétrole classique.

Comment les experts ont-ils pu se tromper à ce point ? "Ils ont sous-estimé le potentiel du pétrole non conventionnel", écrit Leonardo Maugeri dans son rapport. Depuis le forage du premier puits par l'Américain Edwin L. Drake en 1859 à Titusville, en Pennsylvanie, nous utilisions pour l'essentiel du pétrole provenant de réservoirs enfouis à 2.000 ou 3.000 mètres sous la terre. Ce pétrole classique et facilement accessible se trouve à 70% au Moyen-Orient. Mais, depuis trois ans, l'industrie s'est mise aussi à exploiter en grande quantité d'autres sortes de pétrole, qui se situent à 70% sur le continent américain.

Aux Etats-Unis, il s'agit d'"huile de schiste", un cousin germain du gaz de schiste. On l'appelle également "huile de roche-mère", car elle y est restée piégée au lieu de s'écouler dans une cavité extérieure. Au Venezuela et au Canada, les compagnies pétrolières utilisent des "schistes bitumineux", qui se présentent sous une forme visqueuse et épaisse, mélange de pétrole, d'eau et de sable, qu'il faut chauffer à haute température et liquéfier avant d'obtenir une matière suffisamment liquide pour être raffinée.

Les compagnies pétrolières ont engrangé des profits record en 2012, grâce au maintien du prix du baril à plus de 100 dollars. Elles ont dépensé quelque 80 milliards d'euros pour leurs activités d'exploration l'an passé, soit quatre fois plus qu'il y a dix ans. Résultat, pas moins de 300 gisements ont été découverts, après deux années (2010 et 2011) déjà fastes. Tout d'abord, le développement des études sismiques en trois dimensions a permis de mettre au jour de nouvelles réserves off shore au Brésil, en Argentine, en Angola ou encore au Kenya.

"Et nous possédons désormais le savoir-faire technologique pour aller forer à 2.000 mètres, voire 3.000 mètres au-dessous du niveau de la mer", précise Guillaume Chalmin, directeur de la stratégie de la branche exploration-production de Total. La part de l'off-shore dans la production mondiale pourrait ainsi passer de 10% en 2012 à 16% dans trois ans. Ensuite, la pacification (relative) de l'Irak a permis d'inscrire dans les réserves dites récupérables d'immenses ressources inexploitées, pour lesquelles des infrastructures devraient être construites.

"Mais la vraie surprise de 2012 est l'envolée du pétrole de schiste aux Etats-Unis", souligne l'économiste en chef de l'AIE, Fatih Birol. L'amélioration des techniques de forage par fracturation hydraulique a fait exploser l'activité pétrolière du bassin de Bakken, dans le Dakota du Nord. La production américaine de brut a bondi de 14% l'an passé, avec 800.000 barils supplémentaires par jour, soit l'équivalent de la production du sultanat d'Oman.

Les experts les plus pessimistes estiment que l'explosion de la production de pétrole non conventionnel ne compensera pas le déclin inéluctable des gisements traditionnels. "On voit bien le phénomène sur des champs anciens comme ceux de la mer du Nord, où la production a été divisée par deux en dix ans", argumente Olivier Rech, de la société de conseil Energy Funds Advisors. Un consensus se dessine pour estimer que nous ne nous dirigeons pas vers un pic de la production de pétrole, mais plutôt vers un plateau. Selon Guillaume Chalmin, de Total, "les ressources de pétrole représentent environ quatre-vingts ans de production au rythme actuel".

De nombreux facteurs peuvent toutefois changer la donne. De nouvelles technologies permettent de récupérer de plus en plus de pétrole dans chaque puits. De 30% aujourd'hui, ce taux de récupération pourrait passer à 40% voire à 50%, ce qui constitue un gain équivalent à plusieurs décennies de consommation mondiale. A l'inverse, toute chute du prix du brut aurait pour effet de stopper net les investissements dans les schistes bitumineux ou les pétroles de schiste, très chers à extraire.

L'exploitation de ces nouveaux gisements est sale et coûte nettement plus cher que l'extraction conventionnelle. "Alors qu'il faut compter 10 dollars par baril pour les hydrocarbures du Moyen-Orient, le chiffre monte à 50 -70 dollars pour l'off-shore profond et les huiles de schiste et grimpe jusqu'à 90 dollars pour le pétrole lourd canadien. Cela définit une limite au-dessous de laquelle les prix de vente ne peuvent durablement descendre", indique Geoffroy Hureau, ingénieur économiste à l'Institut français du Pétrole-Energies nouvelles.

Ces nouveaux pétroles ont également plus d'impact sur l'environnement. Leur extraction, dévoreuse d'énergie et de chaleur, émet beaucoup de gaz carbonique. "Un gisement classique consomme en moyenne 3% de l'énergie qu'il produit, indique ainsi Pierre-René Bauquis, professeur associé à l'Institut français du Pétrole, contre 7% pour un gisement du type de l'Orénoque au Venezuela et 25% pour les schistes bitumineux canadiens, qui émettent dix fois plus de CO2 que les conventionnels."

Enfin les conséquences écologiques des huiles de schiste, qui nécessitent l'utilisation de la controversée fracturation hydraulique, sont désormais connues : multiplication du nombre de puits, grande quantité d'eau consommée (de 10.000 à 20.000 m3 par forage), risques de contamination des nappes phréatiques et des rivières par une fuite de puits ou de surface, de pollution par les additifs chimiques utilisés, plateformes d'exploitation envahissantes... "Plusieurs pistes sont étudiées pour continuer à réduire l'impact environnemental, précise Bruno Courme, directeur de Total Gas Shale Europe. De l'utilisation de l'eau de mer au développement d'additifs chimiques biodégradables en passant par la réduction de l'impact en surface." Mais c'est notamment pour ces raisons que la fracturation hydraulique reste interdite en France.

En 2030, grâce aux hydrocarbures de schiste, les Etats-Unis deviendraient exportateurs nets de pétrole, alors qu'ils étaient importateurs depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon l'Agence internationale de l'Energie, ils s'approcheraient même de l'indépendance énergétique en 2035. La baisse du prix de l'énergie a dopé l'économie américaine, qui a créé 550.000 emplois en 2010, selon le cabinet Deloitte. Certains spécialistes jugent l'impact des nouveaux pétroles et les possibilités d'exploitation surestimés. D'autres au contraire envisagent un bouleversement du paysage énergétique mondial et des équilibres géopolitiques.

De nouvelles tendances se dessinent. Les plus vastes réserves exploitables ne sont plus au Proche-Orient (1.200 milliards de barils) mais en Amérique du Nord (2.200 milliards de barils). Des zones émergent : Canada, Brésil, Afrique de l'Ouest, golfe du Mexique... "Et, pour la première fois depuis la fin des années 1980 (hors périodes de ralentissement économique), d'ici à la fin de l'année, l'offre des pays non-Opep devrait progresser plus vite (+ 0,9 million de barils quotidiens sur un an) que celle des membres de l'Organisation, qui, elle, devrait reculer (- 0,7 million)", estime Geoffroy Hureau.

Réduction du recours aux hydrocarbures de l’OPEP, détente du marché pétrolier, risque plus faible d'une envolée des cours à plus de 120 dollars le baril, moindre intérêt des Etats-Unis pour la sécurité des routes du Moyen-Orient... Déjà les experts ont noté le déplacement d'une partie de la flotte américaine de la péninsule Arabique vers l'Asie. Le jeu pétrolier est plus mouvant que jamais. Selon Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques énergétiques, " la fin du pétrole, qui semblait si proche, n'affole plus grand monde".


Source : Le 21 novembre 2013, le Nouvel Observateur. Nathalie Funès, Caroline Michel et Mehdi Benyezzar (infographie) – Le Nouvel Observateur